Antoine Merley

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Et bah dis mon vieux, t'en t'nais encore une bonne hier soir... Tu peux t'en prendre qu'à ta pomme si ça tape fort dans la tête maintenant... C'est pas comme ça qu'tu vas la charmer ton Adeline, les femmes comme elle ça méritent pas un mort de soif...


Ah bah v'la l'gazier et sa perche qui éteint les réverbères, beauseigne... Y'a pas à dire, la rue a une aut' trogne aux aurores.

Bon aller, ressaisis toi mon vieux, c'est pas l'moment d’se planter, c'est pas n'importe qui qu'tu vas voir et c'est pas n'importe quoi qu't'as dans les paluches...


Jamais j'aurais pensé r'taper une arme pareille, une d'honneur, gravée, sculptée... Quand j’pense que mes doigts serrent le fusil que c'te crapule de Napoléon a r'filé à l'ancien préfet, le père Ducolombier qu'est enterré d'puis des années.

Fouilla ! J'arrive pas à y croire à celle là, moi qui vais faire des courbettes à une famille de courtisans impériaux...



Fusil de chasse à silex

FUSIL DE CHASSE


Fusil de chasse à silex
Romain PEURIERE (1745-1831), vers 1807-1811
Saint-Étienne, musée d'Art et d'Industrie, inv. 2003.18.357

Ce fusil est offert par Napoléon Ier à Jean-Pierre Ducolombier, préfet de la Loire. C'est une arme d'honneur et un exemple de l'excellence de l'armurerie stéphanoise. Le fusil est signé sur la platine par Romain Peurière. Les canons sont marqués du poinçon de Sébastien Merley (1768-1841), canonnier de première classe. Les autres parties de l'arme ne sont pas signées ou les signatures ne sont pas visibles mais leur qualité fait penser à des artisans de renom.
Cette arme fait honneur à celui qui la donne autant qu'à celui qui la reçoit.



Après j'l'ai voulu... J'en avais marre de l'aut' chien de patron qui payait une misère. Dès qu'j'ai pu trouver ailleurs, PFFFFT, au revoir le petit Antoine, enfui. Pour qu'y m'laisse mon livret par contre, il a fallu ruser. C'est la plaie c'livret d'ouvrier,

un vrai boulet qu'on attache aux pattes des travailleurs. Encore un truc de Napoléon d'ailleurs. Sans c'carnet, impossible de commencer un travail, sans lui, impossible de l'finir aussi... C'est qu'y voulait pas m'laisser m'en aller l'aut',

alors j'ai commencé à être odieux, à plus rien turbiner. Ça a même failli s'terminer en sabotage c't'ânerie ! Puis l'nabot a fini par s'épuiser et m'l'a rendu. « Congédié pour insubordination », CHLAC, merci, bonsoir, c'est gentil d'êt' passé.



Livret d'ouvrier d'Antoine Desflassieux

LIVRET D'OUVRIER


Livret d'ouvrier d'Antoine Desflassieux (1803-1875), forgeur
Saint-Étienne, Archives municipales

Le livret d’ouvrier remplace dès 1803 le billet de congé, généralisé en 1749. On y trouve une description physique de la personne ainsi que ses sorties et entrées chez ses employeurs successifs. C’est un outil de contrôle qui restreint la liberté individuelle. Chaque mouvement est paraphé par un commissaire de police ou par l’autorité municipale. L’ouvrier ne peut se déplacer sans son livret qui est conservé par l’employeur sur la durée de son contrat

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Chez Verney-Carron c'est aut' chose. Le patron a gagné un prix artistique quand il était minot, et les armes qui transitent par ici sont autrement plus distinguées. Puis c'est sûr qu'ça paie mieux...

D'ici quelques mois j'aurai assez pour d'mander la main d'Adeline, sa main toute blanche et toute fine que j'aimerais sentir dans mes cheveux et sur mon visage...


Oh ! Mais y va s'taire le crieur de journaux ! On s'entend plus penser ! Ouilla ma tête... En plus c'est pour vendre c’te fichue feuille de chou de Mercure Ségusien. « J'en veux pas d'ton truc de bourgeois ingrats ! »

Merci, mais les Guizot et aut' Louis-Philippards, j'en ai plein le dos ! C'est c'que je m'évertuais d'expliquer à François hier, avant qu'une vieille bourgeoise aveugle nous rent' dedans. Tiens, bah, v’là le café où j'ai perdu l'nord.



Mercure Ségusien du 16 octobre 1830

MERCURE SÉGUSIEN


Mercure Ségusien du 16 octobre 1830
Saint-Étienne, Archives municipales

Malgré les tentatives des gouvernements successifs pour freiner son développement, la presse évolue considérablement entre 1780 et 1855. Aux progrès de l'instruction s'ajoutent les évolutions techniques comme l’arrivée des presses rotatives en 1845. La diffusion de l'information est plus rapide grâce au télégraphe électrique mis au point en 1836.
La presse locale suit cette orientation et les titres se multiplient, souvent sur de courtes durées. Le Mercure Ségusien, d'orientation libérale, est un des plus célèbre.



Et dire qu'la soirée avait commencé par une banale partie de coinche. Sauf qu’la coinche, ça s'marie bien avec la piquette. Forcément, ça pouvait qu'débarouler.

La première partie d'coinche en a appelé d'aut' et les bouteilles de picrate ont aussi répondu à l'appel. On a fini par préférer les bouteilles à la coinche, de toute façon on comprenait plus rien et y manquait la moitié des cartes.



Bouteille en verre

BOUTEILLE


Bouteille en verre
1780-1850
Coll. Association Iguerande

Les maîtres verriers francs-comtois se déplacent vers Rive-de-Gier et Givors ayant épuisé la ressource naturelle des forêts de leur région en utilisant le charbon de bois comme combustible. Ils alimentent alors les feux avec la houille.
Le souffleur de verre à plat est l’ouvrier le mieux payé. Il fournit un immense effort pour souffler le manchon qui permet, une fois coupé et déroulé, de produire des verres de vitres. Vient ensuite le souffleur de bouteilles et le piqueur à la mine. Les conditions de travail de 12 heures minimum par jour sont extrêmement difficiles et les accidents fréquents dans toutes les industries.



Là, les copains ont voulu que j'lise le journal. C'est que, parmi ces sacrés gaillards, aucun sont d'bons lecteurs... Moi j'ai l’truc. Petiot, y'avait des mots qui tout par un coup m'emmenaient ailleurs. « Myriade » par exemple.

Ça m’faisait penser à des quantités innombrables de pièces en or, une « myriade de merveilles ». Plus tard j'ai compris qu'bien parler ça sert aussi à s'démêler d'drôles d'affaires. C'est grâce à ça qu'y m'a embauché le père Verney, à mon bagou bien propret.



Le canard du café racontait c’qu’y s’passe en Algérie, cette conquête qui en finit plus... 14 ans qu'on y est et qu'on y fait je n'sais quoi avec je n'sais quelle arme d'ailleurs...

L'Algérie ça m'parle un peu, ça m'fait penser à des poèmes de c'bougre d'Hugo qu'j'aime bien :
Adieu donc ! Va tout droit. Garde-toi du soleil
Qui dore nos fronts bruns, mais brûle un teint vermeil !


Alors bon, au café tout le monde y est allé d'son commentaire, comme d'habitude. Moi j'ai dit que j’savais pas trop quoi en penser, qu'mon vrai combat il était ici et qu'c'était la République.


Et là on a tous chanté main dans la main comme de bons soifards radicaux. Ensuite, François a voulu changer d'troquet pour rendre visite à une petite. Mais alors après... Si, J'me souviens qu'la vieille aveugle m'est rentrée d'dans... Mais l'reste...


Ça m’énerve ces trous d'mémoire creusés par la vinasse ! Maint'nant j'sais plus où qu'est passé mon joli couteau ! J'étais tellement content d'l'avoir trouvé...

Ça r'monte à quelques s'maines c'te trouvaille, quand j'étais allé voir la cousine Mariette à Genilac. Dans son champ j'l'ai récupéré ce p'tit eustache.


Mariette elle m'a dit qu'elle comprenait mieux, pa'ce que le jour d'avant, l'Albert, le voisin d'en face, il était franc bizarre. Il était sorti d'chez lui en courant et avait j'té que'qu' chose avant de retourner à ses pénates.

Faut croire qu'il avait j'té l'couteau.



Bon aller, mon vieux, on passe devant l'Jeu de la Loyauté et on est presque rendu. Sacré François ! Quand j’pense qu'y m'a fait adhérer à c'truc... Un baveux ! « Bonjour Monsieur je souhaiterais épouser votre fille Adeline en ma qualité d'armurier baveux... »

N'importe quoi. Après c'est sûr qu'la sarbacane ça m'amuse bien, mais bon, j'pensais qu'un souffleur était un chevalier, pas un baveux... Le gosse ça l'passionne ce truc.

Aux beaux jours il est toujours là à nous r'garder souffler dans la cour. C'qu'y préfère c'est l'tir au papegai, quand on essaie d'démolir un oiseau d'bois qu'on a perché à 8m de hauteur.



Cible d’honneur et sarbacanes

SARBACANE


Cible d’honneur et sarbacanes
Jean-Louis GILLIER, 1853 et fabrication stéphanoise fin 18e-début 19e siècle
Saint-Étienne, musée d'Art et d'Industrie, inv. 2013.19.1

Le 19e siècle inaugure le grand développement des « sociétés ». Sorte d’associations avant l’heure, ces dernières mettent en avant un sport, un loisir, une thématique. A Saint-Étienne, beaucoup sont dédiées à la sarbacane aussi appelée « jeu de souffle ». Seuls les hommes majeurs parrainés par un membre et acceptés de tous les autres sont admis. Ils deviennent alors des « baveux ». Les joueurs sont équipés d’un canon d’environ 1,5 m de long et de petites fléchettes appelées traits. Tout type d'ouvriers jouent à la sarbacane, qu'ils soient mineurs, armuriers, tourneurs, passementiers etc. 

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Antoine a soufflé dans le mille !



C'est comme ça qu'j'l'ai connu d'ailleurs. Le gosse nous r'gardait souffler avec ses grands yeux, puis il était v'nu m'dire :

- "Vous êtes très fort m'sieur."
- "Merci p'tit."
- "Vous pourrez m'apprendre ? Moi aussi j'veux en être !"
- "De quoi ? Un baveux ?"

- "On dit pas chevalier ?"
- "Aussi, mais bon, baveux on l’dit plus souvent."
- "Ben j'aimerais bien en être, j'crois même qu'c'est mon rêve."
- "Oh non gamin, rêve pas d'ça, c'est pas un vrai rêve ça."
- "Ben qu'est c'qu'y a d'aut' ?"


Ça m'avait séché ça, « qu'est ce qu'y a d'autre ». C'est vrai au fond, y'a quoi pour lui, ce gosse qui avait tout l'air d'un mineur.

- "Tu vas à l'école ?"
- "Ça arrive."
- "Tu sais lire ?"
- "Pas vraiment."

- "Écrire, compter ?"
- "J'sais pas trop m'sieur."



Faut dire qu'l'école du père Guizot elle sert surtout à faire des travailleurs bien dociles... Alors depuis, le petit vient chez moi les soirs ou l'dimanche. J'le fais lire, lui apprends l’histoire, les mathématiques, mais pas que, j’le fais penser aussi.



- "Tout commence ici p'tit, un homme qui pense c'est un homme qui s'ra toujours libre. Et pour penser mon b'let, y faut lire, manger du bouquin et des mots, les mots c'sont des myriades de merveilles tu comprends ."

J'sais pas s'il comprenait l'gosse mais y continue à venir, régulièrement, et on s'entend bien.



Ah bah me v'là déjà à l'hôtel de ville. Bon maintenant y'a plus qu'à s'laisser conduire. Omnibus, train, re-omnibus et j'serai enfin à Montbrison, la préfecture, là où vivent les fils Ducolombier.


Y'a pas à dire, ça m'détruit d'aller les voir les préféctoraux napoléoniens, mais pas d'napoléoniens, pas d'Adeline... Aller mon vieux t'arrête tes âneries...



J’arrive pas à y croire ! Mais qu’est c'qui fiche là !!! Et dire qu’en 48 on s’était battu comme des acharnés avec le François ! On l’avait eu not’ République, on avait fini par l’imposer l’suffrage universel ! Bim !

Adieu monarchie du Louis-Philippe, Paf ! Bonjour liberté républicaine ! Et comme son oncle il est v’nu tout gâcher... R’gardez moi ces débiles à applaudir … « Vive le prince-président ! Vive Louis Napoléon Bonaparte ! »,

à bas la sal’té impériale oui ! Comme si y v’nait à Saint-Étienne par hasard... Y croit qu’on l’voit pas v’nir !


Dans quelques mois à tous les coups y s’fait sacrer empereur aussi çui-là ! Oh mais y pourra compter sul’père Antoine... J’ai plus rien à perdre moi : les fusils d’luxe c’était plus possib, trop d’courbettes et d'tralala ;

l’Adeline elle a son mineur mou du g’nou « parce qu’il est plus présent tu comprends Antoine », nan j’comprends pas et j’m’en fiche ; Julot, grand gaillard qu’il est il a plus b’soin d’moi, mais toi mon p’tit père Napoléon,

toi t’inquiète pas qu’avec le François, on t’en prépare des bien bonnes...

Antoine Merley


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Oh la vache c’que j’ai honte... Si on m’avait dit ça y’a quelques années... Moi qui m’retrouve à applaudir le neveu de l’aut' crapule...

C’est qu’elle m’a pris au dépourvu l'Adeline avec son envie subite « Aller viens Antoine, allons voir le prince-président Louis Napoléon qui passe à Saint-Étienne. » On lui répond quoi à sa femme quand elle vous lance des trucs comme ça?

On lui dit quoi à la mère d’ses matrus ? « Nan, vas-y toute seule comme une grande, ce type est un minable et toi t’es pas fichue d’voir qu’y nous fait un coup d’État » ?


On peut pas dire des trucs pareils... Si Julot m’voyait y s’rait pas fier... Quand j’pense que tout gosse y disait qu’j’étais son héros. Il a rien d’héroïque son héros... Pendant s’temps là l’père François y change le monde à Paris lui...

Quel fumier c’François ! « T’as changé » qu’y m’a dit, « l’mariage ça t’a pas fait du bien », jaloux oui ! Ça doit bien faire trois ans qu’j’l’ai plus vu l’père François. Et dire qu’c’est l’parrain d’mon premier gamin... Y m’manque c’t’ordure...

Antoine Merley


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