L’histoire des techniques, des pratiques et des représentations sociales liées au cycle nous montrent que le vélo est plus qu’un simple objet permettant de se déplacer, il est un témoin du rapport que l’homme entretient avec son corps et son environnement social. L’évolution des cycles, toujours plus performants, légers et confortables, doit tout à ses pratiquants, de Vélocio, cyclotouriste convaincu de la viabilité du dérailleur, aux champions du XXIe siècle qui testent des prototypes en soufflerie.
En plaçant l’homme au cœur de sa problématique, le musée d’Art et d’Industrie propose au visiteur de découvrir l’histoire du cycle d’une manière atypique et sensible.
A sein du département « cycles » du musée, la relation entre corps et machine s’est imposée comme un axe de réflexion privilégié.
LE CYCLE A SAINT-ÉTIENNE
C’est à Saint Etienne, capitale française du cycle, qu’aurait été fabriquée la première bicyclette française, en 1886. L’essor de cette industrie, lié à une tradition métallurgique ancienne, doit beaucoup à l’armurier Etienne Mimard, qui a su mettre à profit la similitude des procédés de fabrication entre canons de fusils et cadres de bicyclettes.
Il a fondé la société « Hirondelle », puis créé la Manufacture Française d’Armes et Cycles, qui est devenue Manufrance.
Les années 1920, considérées comme l’âge d’or de l’industrie du cycle à Saint-Etienne, sont marquées par le développement de grandes marques telles que Manufrance, Mercier, Panel, Vélocio, Ravat ou Automoto. Les entreprises locales étaient surtout réputées pour leur savoir-faire dans le domaine de la pièce détachée de précision.
A l’heure actuelle, l’industrie du cycle n’est plus aussi puissante, mais elle représente un des pôles d’excellence du bassin stéphanois. Parmi les entreprises les plus connues figurent Stronglight, spécialiste mondial du pédalier et des plateaux, Tonic Cycle, fabricant de cadres ou bien encore Cycles Mercier - France Loire, qui monte et équipe des bicyclettes, dont les fameux Vélo’V de Lyon. Quelques artisans perpétuent la qualité du travail « sur mesure ».
L’attachement de Saint-Etienne au cycle n’est pas seulement industriel. Il se manifeste également au travers de la vitalité des clubs sportifs et cyclotouristes, et du succès jamais démenti d’événements sportifs comme la Montée Vélocio ou le Tour de France.
LES COLLECTIONS
Le musée d’Art et d’Industrie conserve la première collection française de cycles, avec près de 350 machines, parmi lesquelles figurent des pièces très rares, voire uniques. Cet ensemble offre un panorama complet et raisonné de toute l’évolution du cycle, de ses balbutiements jusqu’aux périodes actuelles.
La constitution de la collection cycles du musée est relativement récente. Elle débute au lendemain de la deuxième guerre mondiale, avec d’importants dons émanant de la Chambre syndicale du cycle et de la Manufacture Française d’Armes et Cycles.
L’enrichissement du fonds se poursuit en 1947, date à laquelle Albert Raimond, industriel stéphanois, fait don au musée d’un lot de pièces d’un intérêt exceptionnel : le « tas de ferrailles » de Paul de Vivie, dit Vélocio. Fondateur du cyclotourisme et ardent défenseur de la pratique cycliste, Vélocio (1853-1930) a, toute sa vie durant, œuvré en faveur du développement de l’industrie du cycle à Saint-Étienne.
Il menait d’incessantes recherches visant à améliorer le confort et l’efficacité des bicyclettes, en particulier dans le domaine des changements de vitesse. Il testait sans relâche les modèles des fabricants de l’époque, et mettait en pratique ses inventions sur ses propres bicyclettes. Ainsi, cette collection offre un témoignage unique de l’évolution du cycle, tant sur le plan des techniques que sur celui des pratiques.
Le musée d’Art et d’Industrie conserve également, en dépôt depuis 1950, des pièces issues du Musée de l’automobile et du tourisme de Compiègne. Il s’agit essentiellement de machines anciennes, considérées comme les ancêtres de la bicyclette actuelle, en particulier de précieux vélocipèdes.
Depuis cette époque, la collection ne cesse de s’étoffer, grâce à des achats ou des dons de cycles et de pièces détachées. La politique d’acquisition répond à plusieurs objectifs : compléter la représentativité des fabrications stéphanoises, comprendre les évolutions techniques émaillant l’histoire du cycle, rendre compte de la diversité des pratiques sportives, utilitaires ou de loisirs.
Ainsi, en parallèle des cycles eux-mêmes, toutes sortes d’objets trouvent leur place dans la collection : maillots de course, vêtements de cyclotourisme, trophées et accessoires divers témoignent d’événements collectifs ou de souvenirs, individuels indissociables de l’histoire du cycle.
Parmi ces objets conservés en marge des collections de vélos, le musée possède une collection de plus de 500 affiches publicitaires. Ce fonds représente une source d’études privilégiée : le libellé des marques, le graphisme, les indications sur les lieux de production et de vente sont des renseignements d’autant plus précieux que les archives d’entreprises sont rares et difficiles d’accès.
RECHERCHE ET RESEAUX
Le musée conserve un vaste fonds documentaire, constitué de documents souvent uniques : séries complètes de revues anciennes, catalogues de fabricants, programmes de courses, archives d’entreprises, auxquels s’ajoutent près de 1500 ouvrages anciens et actuels.
Sont également conservées les archives de la Chambre syndicale du cycle et celles de la Fédération française de cyclotourisme. Une importante photothèque complète le fonds. Cette documentation, accessible sur demande, permet au musée d’être intégré aux réseaux nationaux et internationaux de chercheurs et de passionnés qui étudient l’histoire du cycle et de ses pratiques.
Le musée cultive en effet des relations privilégiées avec de nombreuses instances liées au cycle. Coté pratiquants, la Fédération française de cyclotourisme est un partenaire incontournable pour l’enrichissement des collections et l’implication du musée dans le cyclisme au présent ; coté chercheurs et historiens, le musée représente un centre de ressources unique, tant par la documentation que par les collections.
L’organisation conjointe de la Conférence internationale d’histoire du cycle par le musée et la FFCT en 1991, puis en 2008, illustre parfaitement les liens qui peuvent exister entre le monde culturel et l’univers sportif.